La jeune femme était habituée aux déceptions. Peut-être que c'était celle de trop. Elle avait vingt ans et avait attendu une dizaine d'années un geste, une déclaration de la part de Théodore. Et rien. Dix ans qu'elle attendait. Dix ans qu'elle lui montrait qu'il pouvait lui faire sa déclaration, que ce qu'il ressentait était réciproque. Et rien. Peut-être que c'était la faute d'Abbie. Elle n'avait qu'à faire le premier pas. Sauf que la rousse était une grande romantique et qu'elle voulait absolument que Théo fasse le premier pas. Voilà où elle en était maintenant. Elle n'avait qu'à s'en prendre à elle-même. La rousse était allée dans un bar pour pouvoir oublier sa déception. Elle devait vraiment avoir l'air pathétique. Toutes les filles qui étaient présentes étaient bien habillées - enfin elles étaient habillées pour être dans un bar - et maquillées. Puis, il y avait Abbie, qui n'était ni bien coiffée, ni maquillée ou bien habillée. Ses cheveux étaient lâchés, voir même un peu décoiffée. Elle était habillée d'un simple jean et une chemise à carreau. Une tenue vraiment simple. Autant dire qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'on vienne l'aborder. Il y avait un tas d'autres filles bien plus jolies qu'elle dans ce bar. Ce n'était pas plus mal, parce qu'elle voulait être un peu seule. Enfin, elle aurait pu très bien dans son appartement si c'était réellement le cas.
« Déception amoureuse ? » Elle s'était mise à sursauter, ne s'attendant pas à ce qu'on vienne lui parler. Un jeune homme s'était installé à côté d'elle, lui tendant un verre. Abbie avait rapidement regardé autour d'elle. Peut-être qu'il ne lui parlait pas, mais s'adressait à quelqu'un d'autre. Il s'était mis à rire en voyant la réaction de la rousse, qui semblait être légèrement déboussolé. Enfin, elle l'était encore plus en voyant la réaction de cet inconnu. Est-ce qu'il était venu pour se moquer d'elle. Mais le rire qu'il avait ne semblait pas indiquer qu'il se moquait d'elle. Non, il était plus amusé qu'autre chose. Et après quelques secondes, Abbie s'était enfin décidée à lui répondre.
« Déception oui. Amoureuse .. Pas vraiment. Enfin si. C'est compliqué. » Oui, c'était compliqué. Est-ce qu'on pouvait qualifier ça de déception amoureuse ou de déception presque amoureuse.
« C'est un idiot. Il ne sait pas ce qu'il loupe. » La rousse eu un petit rire et le regardait avec un sourire en coin.
« Et qu'est-ce qu'il loupe au juste ? » « Une jeune femme tout à fait remarquable. Et adorable. Et sûrement très intelligente. » Le sourire de la jeune femme s'était agrandie. Elle était en train de se faire draguer. Maladroitement certes, mais ce qu'il était en train de faire. D'habitude, elle aurait fui. Ce n'était pas le cas à cet instant. Elle le trouvait plutôt attachant.
« Maximilian. Mais tu peux m'appeler Max. » « Abigaël, mais je préfère Abbie. » La discussion avait continué. Elle appréciait vraiment la compagnie de Max. Elle se sentait bien avec lui. Peut-être que c'était un signe. Peut-être que c'était le moment d'oublier Théodore et de passer à autre chose pour de bon.
Il y avait toujours eu des hauts et des bas dans leur couple. Plus de bas que de haut en fait. Mais ils étaient toujours ensemble. Ils étaient heureux. C'est l'impression qu'ils donnaient. C'était l'impression qu'elle avait. Vivre une vraie relation amoureuse était quelque chose de spéciale pour elle. Abbie savait qu'elle avait le droit à ça. Qu'elle ne devait plus attendre une déclaration de la part de son meilleur ami. Peut-être qu'au départ, elle avait commencé à sortir avec Max pour rendre Théodore jalouse. Peut-être bien, oui. Mais il n'avait rien fait pour montrer qu'il était réellement jaloux. Et Abbie commençait à tomber réellement amoureuse du Londonien. Un bonheur qui se construisait petit à petit, mais il était là. Un bonheur qui n'allait pas s'arrêter là. Lorsqu'elle avait vingt-quatre ans, la jeune femme a appris qu'elle était enceinte. Une véritable surprise. Ce n'était pas prévue. Peut-être bien que la jeune femme avait pris peur à cette annonce. Elle ne se sentait pas prête pour devenir mère. Mais Max était là pour la rassurer, pour lui dire que tout se passerait bien, que c'était une super nouvelle et qu'elle ferait une merveilleuse mère. Elle l'avait cru. Même si elle n'était pas des plus enjouée de cette nouvelle, elle s'était faite à l'idée de bientôt être mère. Ils s'étaient dit qu'il n'allait rien dire à personne, qu'il allait faire la surprise à leur proche lorsqu'elle aurait fini la fin du premier trimestre de grossesse, en leur montrant l'échographie. Le jour tant attendu était arrivée. La première échographie. Abbie était anxieuse. Elle allait voir pour la première fois son bébé, entendre son cœur. Elle était seule pour cet événement puisque Max travaillait à l'hôpital. Peut-être qu'elle aurait dû lui dire de venir avec elle, de devoir vivre ce moment avec lui. La jeune femme pensait vivre un véritable rêve, mais qui se transformait en cauchemar. Dès que son gynécologue avait commencé l'échographie, elle s'attendait à un bruit de cœur qui était en train de battre. Au lieu de ça, il y avait du silence. Absolument aucun bruit. Et là, son médecin lui avait dit que son bébé était mort. Il était toujours là, il le voyait à l'écran, mais il était mort. Il lui disait ce qu'elle devait faire ensuite. Elle n'écoutait qu'à moitié. Abbie ne pensait qu'à une seule chose. Annoncer cette terrible nouvelle à son petit ami, lui qui était si enthousiaste à l'idée de devenir père. Lorsqu'elle était rentrée à son appartement, elle était seule. Elle s'en était allée en direction de sa chambre. Les larmes commençaient à couler toute seule. La jeune femme ne savait pas depuis combien de temps elle était dans cet état, depuis combien de temps elle pleurait, mais elle avait fini par s'endormir. Quelque chose était venue perturbée son sommeil. Max était entré. Il s'était installé à côté d'elle, la prenant dans ses bras et la serrant contre lui. Il devait être au courant, un de ses collègue avait dû lui dire. Il essayait de se montrer rassurant, de lui dire que tout allait bien se passer pour la suite. Elle aurait aimé le croire. Mais c'était juste la première étape qui allait détruire leur petit bonheur.
Revenir à Brighton semblait une bonne idée. En tout cas, cela résonnait comme une bonne idée lorsque la jeune femme avait énoncé cette idée. Elle avait besoin de retrouver ses proches après la dure épreuve qu'elle venait de passer. Au départ tout se passait bien. Abbie se sentait bien. Ce n'était pas le cas de Max. Il lui a fallu plusieurs mois pour s'adapter à cette nouvelle vie. Durant les premiers mois, il y avait pas mal de dispute dans le couple. La principale raison des disputes dans le couple : Théodore. Le petit ami de la rousse le trouvait bien trop proche d'Abbie. C'était son meilleur ami, certes, mais il voyait bien comment il la regardait. Et il voyait aussi comment Abbie se comportait avec son meilleur ami. La jeune femme avait compris les craintes de Max et avait essayé de le rassurer comme elle le pouvait. Et malgré les quelques querelles qu'il y avait dans le couple, ils étaient toujours ensemble. Huit ans. Huit longues années qu'ils étaient ensemble. Elle, qui au départ, ne prenait pas vraiment cette relation au sérieux, qui pensait que cela ne serait qu'une histoire de passage, elle s'était bien trompée. Et cela risquait de devenir encore un peu plus sérieux. Elle était rentrée à l'appartement, normalement elle était la première arrivée. Ce n'était pas le cas ce jour-là. Elle avait entendu du bruit venant du salon, alors elle s'y était rendu.
« Max ? » Le jeune homme était là, dans la pièce, en train de préparer quelque chose. Un dîner aux chandelles. En tout cas , cela y ressemblait fortement.
« Abbie, t'es déjà rentrée ? » Elle arqua un sourcil. Elle était rentrée à l'heure habituelle, mais comme elle était quasiment toujours la première à rentrer, il ne pouvait pas le savoir.
« Je peux te poser la même question. » Le matin même, il lui avait dit qu'il rentrerait assez tard, qu'il avait quelque chose d'important à faire à l'hôpital. Et il était là. Dans le salon. Il eut un rire gêné, se grattant l'arrière de son crâne, durant un court instant. La seconde suivante, le jeune homme avait un genou à terre, sortant un écrin de sa poche. La rousse avait ouvert grand les yeux.
« Abigaël Daisy Nightingale. Tu es la personne la plus adorable, formidable, adorable et d'autres adjectif de la sorte que je puisse connaître sur cette terre. Est-ce que tu veux devenir ma femme. » Elle était sous le choc. Elle resta sans voix durant une seconde, mais avait un large sourire sur son visage.
« Oui. Oui. Et encore oui. » Elle hocha rapidement la tête. Quelques larmes de joies étaient au coin de ses yeux. Son sourire s'était agrandi lorsque Max lui passa la bague de fiançailles à son doigt.
« Par contre, je te préviens. Je garde mon nom de famille. Ou alors tu changes le tien. » Il s'était mis à rire avant de l'embrasser. Elle était fiancée. Elle allait se marier avec Max. Elle n'arrivait pas à le croire. Cela semblait si irréel. Elle avait pris son téléphone et avait appelé Théo pour lui annoncer la nouvelle. Et bien sûr, elle était tombée sur son répondeur.
« JE VAIS ME MARIER ! JE VAIS ME MARIER ! » Peut-être qu'elle n'aurait pas dû crier ainsi. Peut-être qu'elle aurait dû être plus calme. Sauf qu'Abbie n'arrivait pas à l'être. Absolument pas. Même lorsqu'elle était au téléphone avec ses parents, elle n'arrivait pas à être plus posée. Alors qu'elle était toujours au téléphone avec sa mère, quelqu'un avait frappé à la porte. Elle avait raccroché pour aller ouvrir. C'était Théo. Elle avait un grand sourire sur le visage.
« Tu as reçu mon message ?! » Bien sûr qu'il l'avait reçu, sinon il ne serait pas. La jeune femme lui avait fait signe d'entrer.
« Ecoute Abbie... » Elle gardait son sourire, attendait que son meilleur ami finisse sa phrase. Enfin, il n'avait pas eu le temps de le faire puisque le fiancé de la jeune femme était arrivé.
« Oh salut Théo ! » « Salut... Max. » Elle voyait le visage de Théo se fermer.
« Alors, elle t'as mis au courant ?! » Max avait passé son bras autour de la taille de la jeune femme avant de l'embrasser rapidement. Elle s'était tournée rapidement vers son meilleur ami qui serrait les poings.
« Ouai... c'est génial. » Elle se força à sourire. Ce n'était pas vraiment la réaction qu'elle attendait. Elle pensait qu'il serait heureux pour elle.
« Je dois aller travailler. Félicitations. » Elle poussa un petit soupir lorsqu'il était parti de l'appartement. Elle voulait qu'il soit heureux de cette nouvelle. C'était sans doute égoïste de la part de la rousse, mais elle ne pouvait pas l'attendre indéfiniment. Il fallait qu'elle passe à autre chose. Et lui aussi.