« I fought the law and the law won »

Il n’était que 21 heures et pourtant l’endroit empestait déjà la transpiration et l’alcool, un léger brouhaha emplissait la pièce et les verres s’entrechoquaient entre eux. Quelle idée de venir ici. Ma foi, c’était l’endroit où la plupart des policiers de la ville venaient boire un coup et puis ce soir, c’était un soir de fête pour nous tous. Les jurés avaient rendu leur verdict après plusieurs heures de délibérations : coupable. Nous avions tous sauté de joie, se prenant dans les bras, se donnant des tapes dans le dos. Enfin tous, pas vraiment. Mon confrère de la défense tirait une sale tête et le suspect s’était mis à pleurer pendant que des policiers le faisaient retourner en cellule, les poignets menottés.

Je devais rester impartial, vu mon métier, mais au fond de moi je jubilais. C’était bien fait pour lui. Il n’aurait pas dû tuer toute sa famille, y compris sa petite fille de 6 mois. Triste vie.  Pour tout vous dire, j’étais fier de moi. Très fier de moi. C’était le premier grand procès que je gagnais depuis mon retour au cabinet. J’avais bien évidemment gagné d’autres procès, plus petits, mais celui-ci était différent et surtout très médiatisé. Cela faisait deux mois que je passais mes journées et mes nuits à construire un dossier solide, à éplucher les preuves, à préparer les témoins aux contre-interrogatoires et surtout à préparer ma plaidoirie, qui dura en tout et pour tout 3 heures. Et tous ces efforts, cette fatigue accumulée pour arriver à nos fins. La victoire. Les jurés l’avaient condamné pour tous les chefs d’accusations qui pesaient contre lui. Ce n’était pas fini par contre pour moi. J’avais encore rendez-vous avec le juge et l’avocat de la défense, pour convenir de la peine. Heureusement pour lui qu’on n’était pas en Amérique, son crime lui aurait surement coûté la vie. Et puis aussi, faut bien l’avouer, cette victoire avait fait grandir mon ego. J’étais encore capable de faire quelque chose, je n'avais rien perdu de mon talent pendant mon année sabbatique, ou je nageais dans le brouillard

Nous nous trouvions donc dans ce bar, tous policiers confondus – que ce soit simples officiers, enquêteurs, inspecteurs – et moi-même, pour fêter cette fin de procès tant attendue, nous faisons des accolades au passage des uns et des autres. Je réussis à m’esquisser de la foule pour me faufiler au bar.  Je n’étais pas censé boire … enfin vu les circonstances je m’autorisais un verre. J’étais conscient que je ne m’en tiendrai  pas qu’à un seul, mais on verra ça plus tard. Arrivé au niveau du comptoir, je remarquais du coin de l’œil, un peu plus loin, l’Inspectrice Morgan. Je me dirigeai vers elle et me posait à côté. « Inspectrice Morgan », j’inclinais la tête en avant, comme si je lui faisais une révérence. Et surtout, je la taquinais. Elle n’aimait pas qu’on utilise un ton formel, surtout en dehors du travail, et j’en profitais donc pour la charrier.  Pendant mon absence, je dois l’avouer, elle m’avait manqué. J’aimais bien travailler avec elle, dès que l’occasion se présentait et j’avais joué le parfait imbécile avec elle. Il faudra que je lui présente mes excuses. Un jour. Je reportai mon attention sur elle et lui sourit « Je te paie un verre ? »

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« I fought the law and the law won »

« Maître  White », je grimaçais légèrement. Depuis le temps que je pratiquais ce métier, je ne m’étais pas encore habitué à ce titre. Déjà que je n’aimais pas trop quand on m’appelait par mon nom de famille, alors qu’on rajoutait cette appellation, cela me faisait toujours bizarre. Bien jouer Isobel. En attendant sa réponse et attendant que le serveur daigne venir vers nous, je posai mes mains sur le comptoir, pianotant la surface avec mes doigts. « Un soda ? » J’arquai un sourcil. Normalement, après une telle victoire, on ne se contentait pas d’un soda mais de quelque chose de bien plus fort ou du Champagne. Mais soit, un soda pour la demoiselle. Je vis furtivement sa main se porter sur son ventre et je compris directement. Il ne fallait pas être né de la dernière pluie pour comprendre ce que cela signifiait. Boisson sans alcool plus la main sur le ventre. Elle était enceinte. Certainement. Je me tournais vers elle, une petite lueur se créant dans mes yeux et m’approchait d’elle la prenant dans ses bras et lui chuchotait à l’oreille « Félicitions ! ». Je repris ma place quand le serveur arriva à notre hauteur et je commandai donc un soda pour Isobel et un whisky pour moi.

Dès qu’il nous apporta les boissons, je tendis sa boisson à la jeune inspectrice « Voilà. Santé. » Je lui souris, et discrètement, je la contemplais de haut en bas. Effectivement, maintenant que j’étais au courant pour son état, je pouvais remarquer un tout petit ventre. Il fallait quand même avoir un œil expert pour le voir ou alors le savoir. Etant passé par là, je connais, pas très bien je dois l’avouer, les phases d’une grossesse. « Content pour toi ». Je me perdis quelques instants dans mes pensées, revivant la grossesse d’Elizabeth (ma défunte « femme »), le bonheur que ça avait été d’apprendre la nouvelle, de savoir qu’on allait devenir parents, de lui câliner le ventre, de devenir déjà gaga et de parler bêtement à son ventre. On devenait vraiment ridicule. Devoir supporter ses hormones, ses crises, ses envies, mais malgré tout ça, c’était une immense joie. J’essayais de balayer tant bien que mal ces idées de ma tête, c’était encore trop douloureux. Je portais mon verre à ma bouche, le tenant bien avec ma main, n’essayant de ne pas trembler, et je bus une gorgée. Puis, je reportais de nouveau mon attention sur la demoiselle. « Tu comptes continuer à travailler ?  » C'était juste une question pour la forme. Je savais très bien que les femmes pouvaient continuer à travailler en étant enceinte, Elizabeht l'avait bien fait, mais elle, elle est inspecteur et déjà que ce n'est pas simple de faire se travail, si on plus on a un bébé dans le ventre ... Mais elle faisait ce qu'elle voulait et je n'étais pas là pour la juger.

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