"it's always a good day for
a new tattoo, it's even a
better day for your first"
ft. maxyne ★ crédit@tumblr.

C'est une journée calme, très calme. Ça ne dérange pas Jamie, il trouve toujours quoi faire pour s'occuper. Freddie lui a demandé de dessiner son prochain tatouage, un défi de taille et devant son carnet de rendez-vous si vide, il a décidé de s'y atteler. Il doit voir un habitué, Mark, un peu plus tard, pour une retouche et il pourra ensuite fermer. Ollie est avec la baby-sitter pour le reste de la journée, Chuck doit certainement être au boulot et elle finira bien plus tard que lui. Ses horaires sont bien moins flexibles que les siens, il a l'impression qu'elle l'envie un peu parfois mais elle aussi, elle fait ce qu'elle aime. Elle est douée pour ça, écouter les gens. A priori, lui aussi se débrouille pas trop mal dans le domaine. On le lui a déjà dit plusieurs fois. Il sait écouter. Il trouve ça nécessaire, dans sa branche. Ou alors c'est juste une idée qu'il se fait mais il s'imagine mal passer des heures à travailler sur la peau de quelqu'un sans être attentif à ce que les gens lui disent. Ça fait partie du métier et il a toujours eu un don pour ça. Jamie, c'est une éponge comme on dit. Il se souvient que déjà, petit, les gens lui parlaient beaucoup. On se confiait sans qu'il ait à dire quoi que ce soit, comme s'il mettait d'emblée en confiance. Sauf avec sa mère mais avec sa mère, ça a toujours été un peu compliqué. Et évidemment, un peu, c'est un euphémisme. Ça va mieux à présent, sans doute parce qu'il est adulte mais il sent bien des fois qu'il la contrarie. Seulement elle ne dit plus rien, parce qu'elle n'a plus rien à dire. Il est adulte, il est capable de prendre ses propres décisions et de s'en sortir lorsqu'il fait une erreur. La dernière fois qu'elle s'est permise de faire une remarque, c'était un peu avant la naissance d'Ollie. Depuis, elle a l'air d'avoir compris qu'il n'est plus un gamin. Devenir père ne vous change pas uniquement un homme, ça transforme le reste de la famille.

Il lève les yeux en pensant à Ollie et tombe sur l'une des dernières photos qu'il ait ajouté. Son petit bout d'homme le fixe sur papier glacé, sourcils froncés et lèvre inférieure en avant en une moue boudeuse. Dieu qu'il ressemble à sa mère. Ça fait presque mal. De Jamie, Oliver ne semble avoir hérité que son épaisse masse de boucles brunes et une tâche de naissance, sur le flan droit. Il a les yeux de Chuck, son nez, son sourire aussi. Jamie le sait, il connaît le visage de son fils par coeur mais chaque fois, ça le frappe un peu plus, combien ce petit ressemble à Charlotte. Voilà pourquoi, elle, il l'aimera toujours, parce qu'elle lui a donné Ollie et qu'Ollie est une partie d'elle.

Mais il n'a pas le temps de trop s'attarder là-dessus parce que la clochette de l'entrée retentit. Jamie fronce les sourcils, jette un œil à sa montre. Soit Mark est en avance, soit Freddie a décidé de se pointer à l'improviste, chose fort probable d'ailleurs, soit quelqu'un a décidé de s'insérer dans son programme de l'après-midi. Il se lève et gagne l'entrée du salon, abandonnant derrière lui l'esquisse du tatouage de Freddie. Une fille se tient là, elle a l'air un peu perdu. Troisième option donc et de toute évidence, c'est la première fois que cette nana met les pieds ici. Il oublie rarement un visage et c'est la première fois qu'il voit celui-là. « Hey, je peux t'aider ? » demande-t-il en s'accoudant au comptoir de la caisse. Il sait qu'il est familier, qu'il ne devrait probablement pas se comporter comme ça avec tout le monde mais il aime effacer toute barrière dès le départ. Les gens qui passent ici, Jamie les touche, les effleure. Il laisse une partie de lui sur leur peau. Le tatouage est un art intime et il veut que ses clients se sentent à l'aise, qu'ils passent par là une fois ou quinze.

"it's always a good day for
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ft. maxyne ★ crédit@tumblr.

C'est clair, cette fille n'est jamais venue ici et ce n'est pas parce qu'il la connaît pas qu'il en est persuadé, rien à voir. Elle a surtout l'air complètement paumé et ça lui donne presque envie de rire. C'est mignon et un peu saugrenu aussi, les gens qui passent la porte viennent généralement avec une idée précise ou quand ça n'est pas le cas, ils ont envie d'être là. Mais elle regarde partout, elle observe comme si on l'avait posée là sans lui demander son avis. C'est bizarre mais depuis qu'il travaille ici, Jamie en a vu, des trucs étranges alors il ne bronche pas, il reste appuyé contre le comptoir, il attend patiemment qu'elle réagisse. Elle ne semble ni ivre ni défoncée, alors elle finira bien par expliquer ce qu'elle fait là.

Elle le salue, plus gênée que jamais et cette fois il ne peut retenir son sourire. Pas un sourire moqueur, il se permettrait pas. Elle est jolie, son visage est fin et il a tout loisir de la regarder alors qu'elle tourne la tête. Soit c'est lui qui la perturbe, soit c'est l'endroit qui la déstabilise. C'est probablement de sa faute, il se laisse emporter à contempler les gens des fois, ça peut vite devenir gênant. C'est pas convenable de scruter les inconnus qui vous passent sous le nez, même si les inconnus en question ont un physique remarquable. Ça lui a valu pas mal de moqueries à l'école d'ailleurs, puisque les gens ne comprennent pas et les enfants, encore moins.

« Ok, d'accord. T'inquiète, on va trouver » fait-il quand elle avoue qu'elle ignore pourquoi elle est là. Enfin, elle sait certainement pourquoi elle est là, elle n'est pas idiote, personne ne rentre dans un salon de tatouages par pure curiosité. Elle ignore sans doute juste pourquoi, exactement pourquoi, elle est là. Jamie n'a que vingt-trois ans mais c'est pas la première fois que ça lui arrive, il sait gérer les questions et les doutes. Il contourne le comptoir et lui désigne d'une main son coin, un peu plus à l'intérieur de l'échoppe. « Tu veux t'asseoir, qu'on en discute un peu ? » lui propose-t-il en montrant le sofa, non loin de son espace de travail. Là s'entasse généralement les conjoints, amis, éventuelle famille de ses clients. Certains viennent seuls, d'autres amènent toute leur tribu pour plus de convivialité, alors autant qu'ils soient confortablement installés. « J'm'appelle Jamie au fait glisse-t-il en se laissant tomber dans son fauteuil de bureau, qui n'a rien d'un fauteuil de bureau sinon le nom. C'est la première fois que tu viens ici ? » ajoute-t-il d'une voix douce. Question dont il connaît déjà la réponse, c'est vrai mais il veut l'entendre de sa bouche, il veut savoir pourquoi. C'est par là que ça commence, le premier pas, la démarche, le pourquoi du comment. Reste à le lui faire dire maintenant.