Les gens te disaient qu'un coup de pied au cul, ça ne fait jamais de mal à personne. Peut-être. Foutaises. T'étais jeune, trop jeune. Et même dans ton plus jeune âge, t'essayais de garder le sourire. Ce monstre, le monstre qui hante les nuits des enfants, le monstre qui se cache sous le lit, dans les placards, toi tu devais y faire face tous les jours, tous les soirs. Il était là, face à toi, le regard sombre, l'âme déchirée, planant au dessus de lui comme une sorte d'avertissement. Ses lèvres te donnaient de l'amour, ou en tout cas des paroles en l'air, ses mains de la haine. Sian, tu te revois encore, n'est ce pas ? Assise dans le coin de ta chambre, enfin celle que tu partageais avec ta petite sœur, les jambes repliées sur ta poitrine, les mains sur les oreilles pour masquer le bruit. La détresse d'une femme peureuse, la dangerosité d'un homme fort. Ces portes qui claquent, encore, toujours. Il est là, tout proche. Tu sens son souffle atterrir sur le bois miteux, le bois poreux. Sian, tu le vois, c'est ça ?. Terrifiée, terrifiant. C'était ton tour, sinon c'était celui de ta sœur. Non, tu ne pouvais pas, il ne pouvait pas la toucher, elle devait rester pure, innocente. Alors tu sacrifiais ton corps, tu sacrifiais ton âme. Il t'a pervertie, n'est-ce pas ? Alors parfois, t'étais heureuse de te retrouver dans une maison vide, avec juste les murs, la poussière pour compagnie. Souvent, tu montais au grenier. C'était ta tour. Tu y avais entassé des trouvailles, tes merveilles. C'est cette odeur de vieux, c'est cette poussière sur le bout de tes doigts, c'est cette sensation de liberté. Et puis cette musique sur le tourne disque, t'étais bien. Tu ne perdais pas la tête, tu retrouvais ton âme, celle d'une enfant insouciante l'espace d'un refrain ou d'un couplet.